posté le 29-04-2011 à 19:57:22
"Regardez les gens courir affairés, dans les
rues. Ils ne regardent ni à droite, ni à gauche,
l'air préoccupé, les yeux fixés à terre, comme
des chiens. Ils foncent tout droit, mais toujours
sans regarder devant eux, car ils font le trajet,
connu à l'avance, machinalement. Dans toutes
les grandes villes du monde c'est pareil.
L'homme moderne, universel, c'est l'homme
pressé, il n'a pas le temps, il est prisonnier de la
nécessité, il ne comprend pas qu'une chose
puisse ne pas être utile ; il ne comprend pas non
plus que, dans le fond, c'est l'utile qui peut être
un poids inutile, accablant. Si on ne comprend
pas l'utilité de l'inutile, l'inutilité de l'utile, on ne
comprend pas l'art ; et un pays où on ne
comprend pas l'art est un pays d'esclaves ou de
robots, un pays de gens malheureux, de gens
qui ne rient pas ni ne sourient, un pays sans
esprit ; où il n'y a pas l'humour, où il n'y a pas le
rire, il y a la colère et la haine."
Ionesco